Yang
De glaise et de temps
Attaché à la terre, sanglé à ma prison,
Tout barbouillé de glaise, assis en majesté,
Je pose face au vent ma ramure lestée,
J'impose face au temps mes cornes de bison.
Des ocres argileuses, des boues dans la marée,
Emplissent les poumons de mes cages racines,
Et roche, mon amie, tes failles assassines,
Je les couvre d'amour, à ton corps amarré.
Au plus profond du sol je serpente et j'embrasse
Le destin du granit, silencieuse force.
A travers les orages et cachée sous l'écorce,
Bien arrimée, serrée, sans mémoire et sans trace,
L'étincelle d'un dieu explore le Pesant.
Calme toi... et ressens... que l'Être est apaisant...
Éphémère
Cette douce tonnelle qui caressait hier
Mes échappées d'été, qui déclinait les verts,
N'est qu'un long bosquet noir, flétri de tas de pierres,
Où se glisse cinglant le vent, ce froid d'hiver.
Rouge sang et hurlant, les feuilles on le dirait,
Irsutes et tendues, hissent les grands pavois.
Accélération, une paire d'ailes apparaît...
La flamme qui me porte est un grand feu de joie !
La nuit n'a plus de prise sur moi ni sur la Loire,
Qui s'allonge si grise, libre à travers les champs,
Et là-bas où tout fuit, l'horizon en miroir,
De la vie, de l'histoire, plonger dans ce présent
Crépitant, impétueux, ruisseau cherchant la mer,
Et me perdre un instant d'absolu éphémère.
Comme attentif au calme
Ce soir dans le grand ciel, uniforme du soir,
Un bleu, un bleu, un bleu ! Foncé, foncé, du noir.
La ville, ma prison, illumine les mains
Des grands arbres vivants, colorés de carmin.
J'ai respiré la nuit, ma présence au mystère,
Silencieux, sans envie, habitant solitaire.
Et puis je suis parti, marcher, trottoir, devant,
Lampadaire, feuille et vent, voitures, marcher, des gens.
Avancer en silence, comme attentif au calme,
Comme en paix et sans peur, comme si j'avais une âme.
Pour toucher la lumière
L'âme de la liberté, sur son papier couchée,
Qui a travers les siècles, veut du doigt me toucher...
Les annales humaines, les doutes et leurs misères
Qui me donnent à sentir que nous sommes tous frères...
Toi ma sœur de mystère, penchée sur un destin
Qui nourrit de folie tes yeux, d'un grand festin.
Toi mon frère, mon ami, tu écoutes la voix
Entêtante, chantant, dans ton crâne à claire-voie.
Pour toucher ce moment où je suis la lumière
Silencieuse, douce, et qui allume hier
L'impression d'être envie - conscience adossée
A un corps apeuré, fatigué, cabossé...
Pour toucher la lumière, je suis prêt à prier,
Abandonner l'hiver, et accepter d'aimer.
Assis et l'âme lourde
Assis et l'âme lourde, perdu dans le grand lit,
Respirant faiblement, insensible à la nuit,
Grand désenchantement d'un grand corps fatigué,
Je ploie sous un nuage tourbillonnant d'idées.
J'ai tout organisé, j'ai tout bien structuré,
L'avenir, le passé... et je n'y étais pas.
L'amour n'y étais pas. La folie s'est cachée.
Allongé sur le lit. Perdu mon cœur qui bat ?
Je veux du pétillant, du joyeux, du bonheur !
Je veux d'un grand enfant les sourires et sans peur
Je veux être le doigt, de Dieu qui nous regarde
Et qui rit, qui nous suit, dans toute nuit blafarde.
Je voudrais être en vie - mais je ne suis qu'ici,
Spectateur dégonflé d'une histoire ralentie.