Yin
Torpeur puérile
Il y a un espace étroit
Entre maîtrise et folie,
Celui où passe la lumière,
C'est là que l'on se sent humain.
Il avait oublié l'envie,
Et était couché sur le sol,
Au raz du carrelage, ébloui,
Cerveau perdu dans l'entresol.
Sur la table un verre de vin
Le narguait comme le vautour.
Il respirait, il respirait en vain,
Il savait que demain c'est son tour.
Humain, il a été humain,
Perdu, perclu, repu,
Trop frêle mais dedans sa main
Le temps coule comme une glue.
Même le soleil est fatigué
De ses jérémiades stériles
Et il respire sans arrêter,
A petits coups, torpeur puérile.
Reflet nacré
J'irrigue et je blanchis les terres endormies,
Je glisse dans la roche et j'enlace le tronc
De ma douche suave je viens laver l'affront
De vos énormités de géantes fourmis.
Harmonieuse nappée, miroir des étoiles,
Je suis le sang argent qui nourrit et apaise.
Caché sous des remous quelque dragon de braise
Fomente des envies de déchirer le voile.
C'est l'hiver et de froid tout s'arrête sans bruit.
L'étendue est mon nom, l'absolu ma mission.
D'étranges pourritures flatulent sans raison...
Quelque-chose de grand y gonfle dans la nuit.
Je suis la symphonie de la Terre en la Mer,
Faible reflet nacré d'un ciel plein de lumière.
Extase du soir
Courir après le doux, le caressant baiser,
Du dernier des rayons d'un soleil rouge et pâle
Et voir monter aux yeux les larmes apaisées
D'une extase du soir, d'un miracle banal...
Survoler l'étendue du fleuve qui s'étale,
A travers l'horizon, dans les berges boisées,
Sur l'aile du cormoran, solitaire, animal,
Et aller vers le noir sans personne à croiser.
Rêver la solitude, le silence et la nuit !
Être si bien sans rien, sans un but, sans un bruit.
Puis vouloir de la foule partager l'harmonie,
Les lumières de la fête, l'amicale magie...
Je suis empli de tout, trop-plein jamais dosé,
Trop fou et trop léger pour pouvoir me poser.
Être là
Il faut juste être là
Pour vivre le regard.
Dans la peur et dans l'ennui,
La paresse et dans la nuit,
Là, seule, est la vie
Humaine.
Nos coins de paradis
J'ai vu dans le silence un nuage de paix
Inonder dans le blanc de son coton épais
L'immobile noirceur d'un futur annoncé.
Du bout de mon silence, sans un mot prononcé.
J'ai cru dans mon absence à la caresse douce
D'un vent chaud sur ma joue, d'un baiser sur ma bouche,
La présence attentive d'un charme puissant...
Au bout de mon absence, tel un ange passant ?
J'ai bu sans que j'y pense à l'eau de vie brillante,
Qui irrigue ma joie d'harmonies bruyantes.
J'ai dansé sur la vague incessante du jour.
Debout, debout je pense, plein d'un refrain d'amour,
Tambourinant sans peur sur nos cœurs attendris,
Délicieux bonheurs... nos coins de paradis...